Nous participerons à la conférence-débat, sur le prolétariat aujourd’hui, organisée par de jeunes camarades, au moulin de Saint-Félix (Oise), le 10 juin 2018 à 16 heures.
Marxisme
La critique marxiste de l’aliénation (1)
Avec ce premier texte, nous ouvrons un cycle de publications sur la mystification du capital, qui donnera lieu à l’édition d’un ouvrage. Ce premier texte aborde les définitions que donne Marx de l’aliénation.
En voici la conclusion :
« Toutes ces questions, pour complexes qu’elles soient, sont bien loin de ne constituer qu’une discussion « philosophique », sans répercussions concrètes sur la vie du prolétariat et surtout sur sa lutte. Voici comment le Manifeste du parti communiste de 1848, en des mots simples, dans la partie 2 (« Prolétaires et communistes »), résume tout l’enjeu de l’antagonisme entre capital et travail, antagonisme qui ne peut se résoudre que par l’abolition de la propriété privée : « Mais est-ce que le travail salarié, le travail du prolétaire, crée pour lui de la propriété ? Nullement. Il crée le capital, c’est-à-dire la propriété qui exploite le travail salarié, et qui ne peut s’accroître qu’à la condition de produire encore et encore du travail salarié, afin de l’exploiter de nouveau. Dans sa forme présente, la propriété se meut entre ces deux termes antinomiques ; le Capital et le Travail. Examinons les deux termes de cette antinomie. Etre capitaliste, c’est occuper non seulement une position purement personnelle, mais encore une position sociale dans la production. Le capital est un produit collectif : il ne peut être mis en mouvement que par l’activité en commun de beaucoup d’individus, et même, en dernière analyse, que par l’activité en commun de tous les individus, de toute la société. Le capital n’est donc pas une puissance personnelle ; c’est une puissance sociale. Dès lors, si le capital est transformé en propriété commune appartenant à tous les membres de la société, ce n’est pas une propriété personnelle qui se change en propriété commune. Seul le caractère social de la propriété change. Il perd son caractère de classe. » (Marx, Engels, Le manifeste du parti communiste, Editions sociales, 1983, p.p. 52-53)
On y voit très clairement : que le prolétariat, par son activité qui se renverse en son contraire, nourrit et reconstitue l’être qui l’exploite ; que cet être, personnifié par le capitaliste, est une puissance sociale ; que dans son développement antagonique, le rapport social capitaliste crée les conditions pour une socialisation des moyens de production, pour l’abolition de la propriété privée et pour une société sans classes.
La sortie de l’aliénation est bien une question POLITIQUE : c’est celle de la révolution prolétarienne.
LIRE ET TELECHARGER LE TEXTE : Marxisme_Alienation_1
Marx sur le parti et les syndicats
Le texte reproduit ci-après a été publié dans l’organe social-démocrate allemand le Volksstaat n° 17 du 27 novembre 1869. C’est une forme « d’interview » réalisée par Johann Hamann, syndicaliste métallurgiste, qui rendit visite à Marx en novembre 1869. Bien que n’étant pas écrit directement par Marx, ni n’employant la forme directe de transcription de l’interview, cet article n’a jamais été démenti par Marx. La revue de Pierre Monatte « La révolution prolétarienne » en publia la traduction française dans son numéro 23 (novembre 1926). Nous en avons repris la publication en ligne du site de la Critique sociale (http://www.critique-sociale.info/94/entretien-de-karl-marx-avec-j-hamann/).
Pour Marx, l’organisation permanente, qui forme la base de l’unification du prolétariat, c’est le syndicat ; celui-ci, par ses luttes et l’obtention de meilleures conditions de vie crée l’espace au sein duquel les conditions pour une éducation politique de la classe ouvrière est possible. La capacité à s’organiser en parti politique, elle, ne peut être que temporaire.
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» Les syndicats ne peuvent et ne doivent jamais dépendre d’une organisation politique ; c’est ce que nous prouve clairement la décadence actuelle de notre syndicat. C’est aussi l’opinion du plus grand économiste et écrivain de notre époque, le docteur Karl Marx, maître de Lassalle, qui se trouvait à Hanovre il y a peu de temps. Je n’ai pu m’abstenir de faire la connaissance personnelle de ce savant, et lui ai demandé une interview pour écouter ses conseils de grand investigateur social et son jugement sur les syndicats. Avec quatre amis, je me suis rendu chez lui, où notre entretien dura une heure et demie. Je n’en relève que les points principaux.
Ma première question au docteur Karl Marx était celle-ci : « Pour qu’ils soient capables de vivre, les syndicats doivent-ils dépendre d’une organisation politique ? »
Il m’a répondu : « Les syndicats ne doivent jamais être associés à un groupement politique ni dépendre de celui-ci ; autrement, ils ne rempliraient pas leur tâche et recevraient un coup mortel. Les syndicats sont les écoles du socialisme. Dans les syndicats, les ouvriers deviennent socialistes parce qu’ils y voient chaque jour, de leurs propres yeux, la lutte contre le capital. Les partis politiques, quels qu’ils soient, n’enthousiasment les masses travailleuses que passagèrement, pour quelques temps seulement, tandis que les syndicats les retiennent d’une façon durable, et ce sont eux seulement qui peuvent représenter un vrai parti ouvrier et opposer un rempart à la puissance du capital. La grande masse des travailleurs, sans distinction de parti, a reconnu que sa situation matérielle doit être améliorée. Si sa situation matérielle s’améliore, le travailleur peut se consacrer davantage à l’éducation de ses enfants ; sa femme et ses enfants n’ont plus besoin d’aller travailler à la fabrique ; lui-même peut exercer davantage son intelligence et prendre soin de son corps ; il devient ainsi, sans même s’en douter, socialiste. »
La deuxième question que je posai fut celle-ci : « Est-il utile que le syndicat possède son organe à lui ? » J’ai exposé que chaque mois nous lançons des circulaires pour faire connaître notre bilan et discuter tout ce qui intéresse particulièrement le syndicat. Cependant on nous reproche de différents côtés de montrer ainsi de la présomption et de l’amour-propre, voire de commettre un péché contre l’organisation, etc.
Voici ce que me répondit Karl Marx : « Je ne suis pas étonné d’entendre de telles choses. Mais vous ne devez pas prendre garde à ces phrases-là. C’est précisément dans l’organe syndical, qui constitue le moyen de liaison, qu’il faut discuter le pour et le contre ; c’est là qu’il est possible de s’occuper des salaires payés dans les diverses régions, du louage de travail dans les diverses industries ; seulement cet organe ne doit jamais être la propriété d’une seule personne ; pour qu’il remplisse son rôle, il doit être la propriété de tous. Je n’ai pas besoin de vous le démontrer. Les raisons en sont si claires que chacun doit comprendre que c’est là une des conditions fondamentales de la prospérité des syndicats. »
Telle est l’opinion d’un homme généralement reconnu comme la plus haute autorité en matière d’économie politique. Si quelqu’un doutait de l’authenticité de ces paroles, il n’aurait qu’à s’adresser directement au docteur Karl Marx, Modena Villa, Maitland Park, Londres. Marx s’est déclaré prêt à les confirmer.
Enfin, il nous a conseillé en outre de ne jamais nous attacher à des personnes, mais uniquement à la cause. « – Que vous importe, a-t-il dit, Liebknecht, le docteur Schweitzer ou moi-même ? Ce qu’il y a de vrai, c’est la cause ! »
Le marxisme et les Evangiles (5 – Lénine, et conclusion)
“La critique de la religion est la condition de toute critique” (Marx).
Nous entamons sur ce blog une série de publications sur la critique des évangiles par les marxistes, à la suite des positions prises dans les années 1840 par les “Jeunes Hégéliens”.
5 – Lénine
Lénine, pour sa part, ne s’encombre pas d’une analyse [1] . Il avalise les travaux d’historiens bourgeois:
« D’autre part, considérez les représentants de la critique scientifique moderne des religions. Presque toujours, ces porte‑parole de la bourgeoisie cultivée « complètent la réfutation qu’ils apportent eux‑mêmes des préjugés religieux par des raisonnements qui les dénoncent aussitôt comme des esclaves idéologiques de la bourgeoisie, comme des « valets diplômés de la prêtraille ».
Deux exemples. Le professeur R. Vipper a publié en 1918 un petit livre : La naissance du christianisme (éd. « Pharos », Moscou). Retraçant les principales acquisitions de la science moderne, l’auteur, loin de combattre les préjugés et le mensonge, qui sont l’arme de l’Eglise en tant qu’organisation politique, élude ces questions et prétend ‑ prétention vraiment ridicule et réactionnaire ‑ s’élever au-dessus des deux « extrêmes » ‑ l’idéalisme et le matérialisme. C’est de la servilité devant la bourgeoisie régnante qui, dans le monde entier, dépense des centaines de millions de roubles, prélevés sur les profits extorqués aux travailleurs, pour soutenir la religion.
Le savant allemand bien connu Arthur Drews qui, dans son livre intitulé le Mythe du Christ, combat les fables et préjugés religieux et démontre que Jésus n’a jamais existé, se prononce, à la fin de son ouvrage, pour la religion, mais rénovée, expurgée, subtilisée, capable de tenir tête au « torrent naturaliste qui s’affermit de jour en jour » (p. 238 de la 4° édition allemande, 1910). C’est un réactionnaire déclaré, conscient, qui aide ouvertement les exploiteurs à substituer aux vieux préjugés religieux pourris des préjugés tout nouveaux, encore plus répugnants et plus infâmes.
Cela ne signifie pas qu’il ne faille point traduire Drews. C’est dire que les communistes et tous les matérialistes conséquents doivent, tout en réalisant, dans une certaine mesure, leur alliance avec la partie progressive de la bourgeoisie, la dénoncer inlassablement, quand elle verse dans l’esprit réactionnaire. Se soustraire à l’alliance avec les représentants de la bourgeoisie du XVIII° siècle, époque où elle fut révolutionnaire, reviendrait à trahir le marxisme et le matérialisme, car l’«alliance» avec les Drews sous telle ou telle forme, dans telle ou telle mesure, s’impose à nous qui luttons contre la domination des obscurantistes religieux. » (Lénine, la portée du matérialisme militant, 12/03/1922)
[1] Dans son ouvrage, à charge, sur Lénine, Hélène Carrère d’Encausse, retrace le contexte de cette période. Nous lui laissons la responsabilité des commentaires normatifs.
« Si, avant la révolution, Lénine a défendu la séparation de l’Eglise et de l’Etat, (…), après Octobre, il lui faut élaborer une véritable politique face à la religion. La séparation était déjà en cours ; l’Eglise, qui avait rétabli le patriarcat lors de son concile d’Août 1917, en préparait les voies. (…). Le 23 janvier 1918 paraît le décret sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ainsi que sur celle de l’Ecole et de l’Eglise. D’emblée, des violences sont exercées contre des clercs, des religieuses, arrêtés ou publiquement humiliés. Des églises et des monastères sont fermés, soumis au pillage. (…).
Mais, la famine va donner au maître de la Russie l’occasion de passer d’une lutte sournoise contre la religion à une guerre ouverte. Après avoir appelé à venir au secours des affamés, le patriarche avait créé un Conseil ecclésiastique national en vue d’organiser l’aide de l’Eglise. Le Conseil est aussitôt interdit : l’Eglise ne peut intervenir dans les affaires de la nation. Le 19 février 1922, le patriarche prescrit que soient donnés, pour soulager les victimes de la famine, tous les objets de valeur contenus dans les églises, à l’exception de ceux utilisés pour les sacrements. Le 23 paraît un décret « approuvé par Lénine », dit Volkogonov, ordonnant la saisie générale des objets consacrés. Les fidèles, les clercs tentent ça et là de s’y opposer ; c’est le signal de massacres et d’une répression effroyables. Un document « très secret », daté du 19 mars 1922, adressé par Lénine à Molotov et destiné aux seuls membres du Poltbro, éclaire d’un jour sinistre l’attitude de Lénine dans cette affaire. Partant de la conviction – qui ne fut jamais confirmée – que le « clergé cent-noir » avait élaboré un plan mettant à profit les confiscations d’objets sacrés pour engager la bataille contre le pouvoir des soviets, Lénine écrit :
« Pour nous, ce moment est celui où nous avons 99% de chance de réussir à détruire l’ennemi [lEglise] et nous assurer d’une position indispensable pour les décennies à venir. C’est précisément maintenant, et seulement maintenant, quand, dans des régions affamées, les gens se nourrissent de chair humaine et [que] des centaines sinon des milliers de cadavres pourrissent sur les routes, que nous pouvons (et devons) réaliser la confiscation des trésors de l’Eglise avec l’énergie la plus sauvage et la plus impitoyable. Nous devons quoiqu’il arrive, confisquer les biens de l’Eglise le plus rapidement et de manière décisive, pour nous assurer un fonds de plusieurs centaines de millions de roubles or. Sans ce fonds, aucun travail gouvernemental en général, aucun effort économique, aucune défense de notre position à la conférence de Gênes n’est concevable… » Et, pour y réussir, Lénine ordonne dans la même lettre des confiscations brutales et implacables, « sans s’arrêter devant rien », et « l’exécution du plus grand nombre possible de représentants du clergé réactionnaire et de la bourgeoisie réactionnaire [..]. Plus grand sera le nombre des exécutions, mieux ce sera » (….)
Ces instructions de Lénine sur les exécutions furent respectées. Près de huit mille serviteurs de l’Eglise furent « liquidés », conformément à son souhait, en 1922 » Hélène Carrère d’Encausse, Lénine, p.565 à 567, Fayard
EN GUISE DE CONCLUSION
Donc, du point de vue des ennemis du marxisme, il est plus que de bonne guerre d’affirmer que le « marxisme » niait l’existence de Jésus. Le « marxisme officiel » du XXème siècle emboîtera, pendant quelques temps, le pas de Lénine et adhérera à la thèse ouverte par Bruno Bauer avant de la renier.
Marx et Engels ne peuvent être inclus dans ce marxisme (mais l’amalgame est très aisé) et renvoyaient les réponses à bon nombre de questions posées par le christianisme primitif à des recherches et découvertes ultérieures tout en insistant sur l’importance de ces recherches [1].
Bauer avait consacré sa vie à étudier ce sujet. Engels et Kautsky avaient mené de nombreuses recherches personnelles, médité et écrit sur les origines du christianisme. On pourrait donc s’attendre à ce que le mouvement communiste prenne en compte tout ce que le XXème siècle (et le XXIè) a mis à jour en matière de sources, de travaux archéologiques [2], etc. Il est loin d’avoir esquissé une telle tâche, ce d’autant plus qu’il ressemble toujours plus à une girouette soumise aux divers vents bourgeois ou petits-bourgeois.
On peut d’ailleurs constater que la question n’est sûrement pas résolue avec certitude car, encore en 2008, un petit-bourgeois, athée, hédoniste, comme Michel Onfray remet également en cause l’existence de Jésus [3]. Citons aussi, le tout récent ouvrage de Nicolas Bourgeois « Un mensonge nommé Jésus. Enquête sur l’historicité du Christ » qui semble exploiter la même veine.
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[1] « On n’en a pas fini avec une religion qui s’est soumis le monde romain et a dominé pendant 1800 ans la plus grande partie, et de loin, de l’humanité civilisée, en se bornant à déclarer que c’est un tissu d’absurdités fabriqué par des imposteurs. On n’en vient à bout que si l’on sait expliquer son origine et son développement à partir des conditions historiques existant au moment où elle est née et où elle est devenue religion dominante. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne le christianisme. Il s’agit précisément de résoudre la question de savoir comment il a pu se faire que les masses populaires de l’empire romain préférèrent à toutes les autres religions cette absurdité prêchée de surcroît par des esclaves et des opprimés, jusqu’à ce que l’ambitieux Constantin finit par considérer que confesser cette religion de l’absurde était le meilleur moyen de parvenir à régner sans partage sur le monde romain. » (Engels, Bruno Bauer et le christianisme primitif)
[2] Par exemple, Israël Finkelstein qui dirige l’institut d’archéologie de l’université de Tel-Aviv et Neil Asher Silberman, directeur historique au centre Ename de Bruxelles, ont, sur la base des derniers travaux archéologiques, mis en doute l’existence de Moïse et de l’Exode, tout en relativisant l’importance de David et Salomon que d’autres (Thomas Thomson, Niels Peter Lemche, Philip Davies, …), regroupés par leurs détracteurs sous l’étiquette (abusive selon les concernés ; cf. Minimalism, « Ancient Israel, » and Anti-Semitism de Philip Davies, http://www.bibleinterp.com/articles/ Minimalism.htm) de « minimalistes bibliques », expédient dans les limbes du mythe.
[3] Traité d’athéologie, p.163. Onfray cite parmi ses devanciers, Prosper Alfaric, A l’école de la raison, Publications de l’Union rationaliste. Raoul Vaneigem, La résistance au christianisme. Les hérésies des origines au XVIII° siècle, Fayard.
Le marxisme et les évangiles (2 – Bruno Bauer)
“La critique de la religion est la condition de toute critique” (Marx).
Nous entamons sur ce blog une série de publications sur la critique des évangiles par Marx et Engels, à la suite des positions prises dans les années 1840 par les “Jeunes Hégéliens”.
2 – Bruno Bauer
Le livre de Strauss fut rejeté par les hégéliens et au premier plan des contradicteurs se trouve Bruno Bauer [1]. En 1837, Strauss prend la défense de son livre dans un opuscule intitulé « En défense de ma vie de Jésus contre les hégéliens ».
A la fin de 1836, le jeune Karl Marx part à Berlin pour y poursuivre ses études. En 1838, il fréquente un club de jeunes docteurs que l’on a pris l’habitude d’appeler « jeunes hégéliens » et qui contribuèrent, tout comme Strauss, aux « Annales de Halle », revue éditée par Arnold Ruge. Le chef de file de ce groupe est Bruno Bauer. Marx qui ne tarde pas à devenir un pivot de ce groupement devient son jeune ami et compagnon de lutte.
Bauer, dans l’été 1839 entre en délicatesse avec le représentant en chef des hégéliens orthodoxes. Parti à l’université de Bonn, il poursuit à l’automne 1839, une évolution intellectuelle qui le conduit bien au-delà des positions de Strauss. En correspondance constante avec lui, Marx n’ignorait rien de cette évolution. Après son « Herr Dr. Hengstenberg. Kritische Briefe über den Gegensatz des Gesetzes und des Evangeliums » (1839) qui le conduit à Bonn, Bauer publie des travaux sur les évangiles (« Kritik der evangelischen Geschichte des Johannes » (Critique de l’histoire évangélique de Jean)-1840 -, « Kritik der evangelischen Geschichte der Synoptiker [2] » (Critique de l’histoire évangélique des synoptiques) -1841 – et il reviendra sur ces thèmes tout au long de sa vie. [3]
Après quelques mois à Trèves, sa ville natale, Marx rejoint Bonn en juin 1841. Il y entame avec Bauer une collaboration qui se traduit par un ouvrage anonyme, paru en novembre 1841, « La Trompette du jugement dernier contre Hegel l’athée et antéchrist . Ultimatum ». En prenant l’apparence d’un défenseur de la foi, le livre cherche à montrer que sous ses dehors théistes, Hegel est un athée et que les jeunes hégéliens en sont les vrais héritiers. Par exemple, au chapitre ou l’auteur feint de déplorer le mépris de Hegel pour l’écriture sainte et l’histoire sainte, on trouve ces citations de Hegel, à l’appui de ses dires : « Par le biais du mode de représentation des premiers siècles après la naissance du Christ, la vie de Pythagore nous parvient contée plus ou moins dans le même goût que la vie du Christ, sur le terrain de la réalité commune, et non dans un monde poétique ; elle nous apparaît comme un amalgame de fables extravagantes et merveilleuses, comme la somme hybride des représentations des magiciens, les mélanges de naturel et de surnaturel, la boutique des mystères de l’imagination trouble, pitoyable, et des divagations de têtes dérangées se sont greffées sur lui. L’histoire de sa vie est gâchée. Tout ce que la mélancolie et l’allégorisme chrétiens ont pu dénicher, y a été attaché. Les miracles que relatent les biographes tardifs de Pythagore sont pour une bonne part tout à fait insipides et du même goût que ceux du Nouveau Testament » Hegel, Histoire de la philosophie, I, 220, 221, 228), cité dans « La Trompette du jugement dernier contre Hegel l’athée et antéchrist . Ultimatum », p.150, 151
Selon l’analyse du biographe de Marx, Maximilien Rubel, les deux auteurs se seraient partagés la matière : A Bauer, la théologie, à Marx, la partie politique et philosophique. Une suite était en chantier à la fin de l’année 1841. Diverses péripéties (interdiction de la Trompette, maladie de Marx, décès de son beau-père) en empêchèrent la complète réalisation.
Bauer avait aussi l’idée de mettre sur pied une revue de l’athéisme avec la collaboration de Marx et également de Feuerbach. Ce projet non plus n’aboutira pas.
Le jeune Marx partageait-il pour autant entièrement le point de vue de Bauer ? Rien n’est moins sûr. La correspondance de Marx à Bauer n’a pas été retrouvée et l’analyse de leur trajectoire laisse penser que, même s’ils ont pu cheminer côte à côte et s’apporter mutuellement [4], leur approche était différente. Cette différence se manifestera très tôt [5] et se terminera par une rupture [6] qui s’achèvera [7] dans des ouvrages comme « La Sainte famille » (1845) ou « L’idéologie allemande » où Marx et Engels règleront leur compte à leur conscience philosophique en inaugurant la conception matérialiste de l’histoire.
De son côté, Engels se rendit à Berlin pour y effectuer son service militaire d’octobre 1841 à octobre 1842. A cette occasion, il fréquente les jeunes hégéliens dont l’évolution dégénérative est entamée. Ils se baptisent les Affranchis (Freien). Le retour de Bauer à Berlin, à la fin du premier trimestre de 1842, non seulement n’enrayera pas leur dégénérescence, mais Bauer en prendra la tête. Engels qui donc connaît à son tour nombre des protagonistes de ce mouvement, à commencer par les frères Bauer [8], participe à leurs débats et écrit quelques articles dont certains pour la Gazette rhénane dont Marx devient un collaborateur puis le rédacteur en chef en 1842 [9].
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[1] Celui-ci poursuivra Strauss de sa vindicte tout au long de sa vie.
[2] Les synoptiques désignent les évangiles selon Matthieu, Marc et Luc car on peut les mettre en parallèle.
[3] Les principales œuvres de Bauer sont :
– Critique de l’histoire de la Révélation (1838)
– Herr Doktor Hegstenberg (1839)
– Die evangelische Landeskirche Preußens und die Wissenschaft (1840)
– Kritik der evangelischen Geschichte des Johannes (1840)
– Kritik der evangelischen Geschichte der Synoptiker (1841)
– Die Posaune des jüngsten Gerichts über Hegel, den Atheisten und Antichristen (1841)
– Die gute Sache der Freiheit und meine eigene Angelegenheit (1842)
– Hegels Lehre von der Religion und Kunst von dem Standpunkt des Glaubens aus beurteilt (1842)
– Das Entdeckte Christentum (1843)
– Die Judenfrage (1843)
– Geschichte der Politik, Kultur und Aufklärung des 18. Jahrhunderts (1843-45)
– Geschichte Deutschlands und der französischen Revolution unter der Herrschaft Napoleons (1846)
– Kritik der Evangelien und Geschichte ihres Ursprungs (1850-52)
– Die Apostelgeschichte, eine Ausgleichung des Paulinismus und des Judentums innerhalb der christlichen Kirche (1850)
– Rußland und das Germanentum (1853)
– Philo, Strauss und Renan und das Urchristentum (1864)
– Christus und die Cäsaren , der Ursprung des Christentums aus dem römischen Griechentum (1877)
– Zur Orientierung über die Bismarck’sche Ära (1880)
– Disraelis romantischer und Bismarcks sozialistischer Imperialismus (1882)
[4] Par exemple, la célèbre analogie de l’opium et de la religion, bien que présente chez des auteurs antérieurs (Moses Hess, Heine mais aussi Kant, Herder ou Feuerbach) doit sans doute aussi à Bauer.
[5] L’article contre la censure prussienne envoyé à Ruge en février 1842 marque déjà des différences par rapport à certains jeunes hégéliens qui se réjouissaient des bonnes dispositions du roi qui selon eux se manifestaient dans cette instruction.
[6] Cette rupture avec les Affranchis a lieu vers novembre 1842. «Cette volonté de réunir tous les éléments progressistes d’Allemagne, de concentrer toutes les forces libérales dans la lutte contre l’absolutisme, ne tarde pas à mettre Marx en opposition avec ses anciens amis de Berlin, et notamment avec Bruno Bauer. Avant même d’avoir pris la direction du journal, il exprime de profondes réserves sur leur façon désinvolte d’aborder de grands problèmes, de détourner les esprits sérieux de la lutte pratique et de faire inutilement peser sur les organes de la presse progressiste, déjà sévèrement bridés par la censure, des menaces d’interdiction. La rupture avec Bauer et le cercle des « Affranchis » de Berlin suit de près l’accession de Marx à la tête de la Rheinische Zeitung, le jeune directeur ayant pris parti pour Ruge et Herwegh et publiquement condamné dans les pages de son journal le « romantisme politique, le culte maniaque du génie et les fanfaronnades » par lesquels les bauériens « compromettent la cause et le parti de la liberté » (Reinische Zeitung, 29.11.42, Lukacs, Le Jeune Marx, son évolution philosophique de 1840 à 1844, Les éditions de la passion, p.35)
[7] En 1843, Marx publie dans la question juive une critique de deux textes de Bauer sur le même sujet.
[8] Bruno et Edgar Bauer (1820-1886)
[9] La première rencontre entre Marx et Engels, fin 1842, quand Engels est sur le chemin de l’Angleterre sera un peu froide. Pour Marx, Engels est assimilé aux Affranchis avec qui il s’apprête à rompre, tandis qu’Engels a été prévenu contre Marx par les frères Bauer.
Le marxisme et la science
Conclusion du livre « De la révolution industrielle » (2014)
http://www.robingoodfellow.info/pagesfr/rubriques/Revolution_Industrielle.pdf
PENSER ET CLASSER LES SCIENCES
Nous avons montré l’absence de fondement à l’affirmation que l’irruption de l’électronique implique l’existence d’une troisième révolution industrielle. Cela ne signifie pas que le socialisme ne prenne pas en compte – ce serait un comble pour la conception matérialiste de l’histoire – l’histoire et l’histoire des sciences, ainsi que le développement des techniques. Nous avons ainsi montré que, jusqu’à présent, on n’était pas en droit de parler de révolution industrielle ou technologique depuis l’avènement de la révolution industrielle du XVIIIe siècle. En revanche, on serait au contraire en droit de parler de révolution pour ce qui concerne la matière organique.
Le socialisme ne considère pas la science comme un ensemble indistinct. Il ne met pas, en science comme en politique, tout dans le même sac. Il analyse l’histoire des sciences, leur objet, leur évolution, leur méthode et notamment leur capacité à assimiler la dialectique. Plus celle-ci est nécessaire, parce que les lois du mouvement dans le domaine considéré y sont plus complexes, plus le domaine scientifique sera en retard. Le monde organique retarde donc sur le monde inorganique, la biologie retarde sur la mécanique.
Le socialisme envisage donc plusieurs approches de la science, sans pour autant séparer ces diverses formes d’appréhension.
Vu sous l’angle de leur histoire, le développement des sciences reste conditionné par celui de la production. L’astronomie vient en premier, car elle est particulièrement nécessaire aux peuples de pasteurs et d’agriculteurs qui, pour assurer la vie et la survie, doivent anticiper le cycle des saisons, à travers l’observation du cycle des astres, notamment le soleil et la lune. Le champ céleste est aussi celui qui s’impose le plus comme un vaste champ d’observation, y compris sans instrument (le télescope – encore ne s’agit-il que d’une forte lunette – ne sera inventé que par Galilée), mais il est aussi le plus impressionnant avec ses manifestations climatiques spectaculaires (foudre, tonnerre, éclipses) et suscite des explications mystiques. Les premières représentations religieuses sont basées sur des cosmogonies. Pour se perfectionner, l’astronomie a besoin des mathématiques. Celles-ci, conduites nécessairement vers l’abstraction de par leur méthode (abstraction d’ailleurs renforcée par leur histoire et les conceptions métaphysiciennes des mathématiciens) en viennent à oublier qu’elles tirent leurs concepts de la réalité. Les métaphysiciens s’étonnent ensuite, jusqu’à y voir la main de Dieu, devant le constat que les concepts produits par les mathématiques trouvent, parfois plus tard, une application dans la réalité. Les besoins de la ville, la construction des édifices, ainsi que la guerre et la navigation favorisent le développement de la mécanique laquelle a également besoin des mathématiques. De ce point de vue, on peut classer les sciences en fonction de leur utilisation des mathématiques. Nous retrouvons l’ordre de leur développement : astronomie, mécanique, physique, chimie, biologie.
Pendant longtemps, seules l’astronomie, la mécanique et les mathématiques connurent un véritable développement, même si évidemment d’autres modes de pensée comme la philosophie s’intéressaient aussi au développement naturel, comme chez Aristote ou Pline l’ancien par exemple. Avec la Renaissance qui marque véritablement le point de départ de l’étude scientifique de la nature, la physique se sépare de la chimie. Celle-ci aussi s’établit comme science, tandis que les sciences de la vie (physiologie, zoologie, botanique, paléontologie, etc.) prennent ensuite leur essor.
Au-delà de ce classement historique, une autre manière de considérer et de classer les sciences est de prendre en compte leur objet. De ce point de vue, le socialisme les classe en fonction des formes du mouvement :
1° La mécanique (y compris l’astronomie) agit au niveau des masses. L’objet de la mécanique est le mouvement des masses (aussi bien terrestres que célestes).
2° La physique s’en tient au mouvement moléculaire
3° La chimie est une physique des atomes. C’est la science des changements qualitatifs qui se produisent par suite d’un changement quantitatif.
4° Engels n’avait fait que pressentir le mouvement scientifique d’où naîtrait une nouvelle conception de la matière[80]. Ce mouvement sera assumé par les physiciens plutôt que par les chimistes[81], d’où son nom. Mais il relève de formes du mouvement et d’un niveau d’intervention bien différents de celui de la physique classique puisqu’il vise un niveau sub-atomique. C’est la physique atomique, la physique des particules. C’est dans cette révolution scientifique que l’on doit chercher le noyau de vérité que recouvre la « troisième révolution industrielle ».
5° Engels, également, faute de matériaux, sera conduit à relativement laisser de côté les formes du mouvement organique[82]. Le mouvement communiste, si prompt à répéter les idioties de la bourgeoisie, a pourtant là de quoi exercer sa sagacité en intégrant plus d’un siècle de développement scientifique.
Engels jugeait que, pour l’époque du philosophe, le classement réalisé par Hegel, était complet. Celui-ci distinguait le mécanisme, le chimisme et l’organisme. On peut mesurer le haut degré de parenté entre le classement de Hegel et celui d’Engels[83][1].
Ce classement ne doit pas laisser l’impression que les diverses sciences sont séparées. Il correspond à un classement des formes du mouvement, et leur disposition suit la succession qui est inhérente à ces formes. Cette succession ne doit pas être artificiellement dialectique comme le fait Hegel, mais doit découler du développement même de la forme du mouvement. Il n’est pas dans notre propos d’aller plus avant dans cet exposé des formes du mouvement. Cette ébauche n’a pas d’autre but que de montrer que, pour le socialisme, il existe une histoire de la science et des techniques. Celles-ci ne sont pas mises dans un grand tout indifférencié. La critique de la science[84], non seulement dans ses effets sociaux mais aussi dans ses présupposés méthodologiques qui les conduit à bien des hypothèses absurdes est un devoir du mouvement révolutionnaire. Cela ne passe pas par l’admiration béate pour les soi-disant « révolutions technologiques » dont la bourgeoisie aime habiller la féroce exploitation du prolétariat dont elle se nourrit, mais par un combat sans merci contre la bourgeoisie, son idéologie, sa science, et toujours, ses religions.
[80] « Lorsque nous avons défini la physique comme la mécanique du mouvement moléculaire, nous n’avons pas perdu de vue que cette expression n’embrasse nullement dans sa totalité le domaine de la physique d’aujourd’hui. Au contraire. Les vibrations de l’éther [ce concept dans son acception mécaniste sera démenti par la théorie de la relativité NDR] qui interviennent dans les phénomènes de la lumière et du rayonnement calorique ne sont certainement pas des mouvements moléculaires au sens actuel du mot. (…)
Néanmoins, dans les phénomènes électriques et calorifiques, ce sont derechef avant tout les mouvements moléculaires qui entrent en ligne de compte, et il ne peut en être autrement, tant que nous n’en savons pas plus sur l’éther. Mais lorsque nous en serons au point de pouvoir exposer la mécanique de l’éther, elle embrassera aussi mainte chose qui est aujourd’hui nécessairement rangée dans la physique » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p. 113-114) et aussi « Toute la nature qui nous est accessible constitue un système, un ensemble cohérent de corps, étant admis que nous entendons par corps toutes les réalités matérielles, de l’astre à l’atome, voire à la particule d’éther dans la mesure où on admet qu’elle existe » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p. 76)
[81] « La radioactivité relève, désormais de l’histoire de la physique. La chimie n’y intervient plus qu’à titre de technique, pour identifier les isotopes produits par transmutation.
Il est toujours vain de tenter de refaire l’histoire, mais on doit, ici, marquer un point d’arrêt, spéculatif. Pour la première fois, chimie et physique ont été confrontées en même temps à une même énigme, et la chimie s’est trouvée finalement définie comme technique au service de questions posées par les physiciens.
Il est difficile de ne pas voir dans l’acharnement avec lequel Marie Curie continua à purifier le radium pendant que Rutherford se lançait dans l’exploration du noyau atomique un point de bascule tout à la fois événementiel, symbolique et irréversible, c’est-à-dire historique. Car la distribution des rôles qui s’institue ainsi ne ratifie pas une différence préexistante, mais crée une nouvelle image de la physique » (Bernadette Bensaude-Vincent, Isabelle Stengers, Histoire de la chimie, Editions La Découverte).
[82] « Si donc nous voulons étudier ici la nature du mouvement, nous sommes obligés de laisser de côté les formes de mouvement organiques. Aussi nous limiterons nous par force, – étant donné l’état de la science, – aux formes de mouvement de la nature inanimée. » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p. 75)
[83] « Le mécanisme, c’est le mouvement des masses ; le chimisme, le mouvement des molécules (car la physique y est aussi comprise et les deux font bien partie du même ordre) et des atomes ; l’organisme, c’est le mouvement de corps tel que l’un est inséparable de l’autre » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p. 255)
[84] C’est ce que rappelait la gauche communiste d’Italie :
« Lançons donc le cri de guerre qui laisse perplexes tous ceux qui sont aveuglés par la force des lieux communs putrides : à bas la science. » (Programme du communisme intégral et théorie marxiste de la connaissance Réunion de Milan 1962).
« Alors la révolution, accompagnée de la vague des générations qui ne sont plus dénaturées par votre abrutissante société, révisera vos textes et vos formules, et elle enseignera la science nouvelle. Elle daignera vous expliquer votre histoire et votre « anti-histoire ». Elle n’emploiera pas pour cela une chaire, mais la force, et, s’il le faut, la Terreur ». (La vie dans le cosmos. 1962)
Citons aussi Lafargue « Les Haeckel du Darwinisme, qui pour mériter les bonnes grâces des capitalistes, ont voulu rabaisser la science au niveau d’une religion, n’ont que prouvé, ce que les socialistes savaient déjà, qu’en fait de servilisme les savants valent les prêtres; et qu’ils avaient bien agi, ces révolutionnaires du siècle dernier, qui avaient tranché la tête de Lavoisier ce père de la chimie moderne et ce complice des financiers qui ruinaient la révolution. Les Darwiniens de France, d’Allemagne et d’Angleterre ne réussiront pas à falsifier les enseignements de la science jusqu’à en faire des moyens d’oppression intellectuelle. La science a toujours été et continuera toujours à être révolutionnaire ; elle déracinera les préjugés semés à larges mains par la classe possédante pour soutenir son pouvoir chancelant. Cette théorie darwinienne, qui devait consacrer scientifiquement l’inégalité sociale, arme au contraire les matérialismes communistes avec de nouveaux arguments pour appeler à révolte les classes opprimées contre cette société barbare, où ceux qui sèment la richesse ne récoltent que la pauvreté, où toutes les récompenses sociales sont emportées par les plus incapables et les plus inutiles, où les lois de l’évolution organique sont ignorées, méconnues et contrecarrées.. » (Lafargue, Le matérialisme économique de Karl Marx, II le milieu naturel : théorie darwinienne, p. 5, Bibliothèque socialiste, Cours d’économie sociale.)
« Devant les désastres accumulés sur la France par cette guerre, devant son effondrement national et sa ruine financière, ces classes moyennes sentent que ce n’est pas la classe corrompue de ceux qui veulent être les négriers de la France, mais que ce sont seules les aspirations viriles et la puissance herculéenne de la classe ouvrière qui peuvent apporter le salut !
Elles sentent que seule la classe ouvrière peut les émanciper de la tyrannie des prêtres, faire de la science non plus un instrument de domination de classe, mais une force populaire, faire des savants eux-mêmes non plus des proxénètes des préjugés de classe, des parasites d’Etat à l’affût de bonnes places et des alliés du capital, mais de libres agents de la pensée ! La science ne peut jouer son rôle authentique que dans la République du Travail. » (Marx, Essais de rédaction de « La guerre civile en France »)