Penser et classer les sciences

EXTRAIT DE NOTRE TEXTE : DE LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE.
www.robingoodfellow.info/pagesfr/rubriques/Revolution_Industrielle.pdf

Le socialisme ne considère pas la science comme un ensemble indistinct. Il ne met pas, en science comme en politique, tout dans le même sac. Il analyse l’histoire des sciences, leur objet, leur évolution, leur méthode et notamment leur capacité à assimiler la dialectique. Plus celle-ci est nécessaire, parce que les lois du mouvement dans le domaine considéré y sont plus complexes, plus le domaine scientifique sera en retard. Le monde organique retarde donc sur le monde inorganique, la biologie retarde sur la mécanique.

Le socialisme envisage donc plusieurs approches de la science, sans pour autant séparer ces diverses formes d’appréhension.

Vu sous l’angle de leur histoire, le développement des sciences reste conditionné par celui de la production. L’astronomie vient en premier, car elle est particulièrement nécessaire aux peuples de pasteurs et d’agriculteurs qui, pour assurer la vie et la survie, doivent anticiper le cycle des saisons, à travers l’observation du cycle des astres, notamment le soleil et la lune. Le champ céleste est aussi celui qui s’impose le plus comme un vaste champ d’observation, y compris sans instrument (le télescope – encore ne s’agit-il que d’une forte lunette – ne sera inventé que par Galilée), mais il est aussi le plus impressionnant avec ses manifestations climatiques spectaculaires (foudre, tonnerre, éclipses) et suscite des explications mystiques. Les premières représentations religieuses sont basées sur des cosmogonies. Pour se perfectionner, l’astronomie a besoin des mathématiques. Celles-ci, conduites nécessairement vers l’abstraction de par leur méthode (abstraction d’ailleurs renforcée par leur histoire et les conceptions métaphysiciennes des mathématiciens) en viennent à oublier qu’elles tirent leurs concepts de la réalité. Les métaphysiciens s’étonnent ensuite, jusqu’à y voir la main de Dieu, devant le constat que les concepts produits par les mathématiques trouvent, parfois plus tard, une application dans la réalité. Les besoins de la ville, la construction des édifices, ainsi que la guerre et la navigation favorisent le développement de la mécanique laquelle a également besoin des mathématiques. De ce point de vue, on peut classer les sciences en fonction de leur utilisation des mathématiques. Nous retrouvons l’ordre de leur développement : astronomie, mécanique, physique, chimie, biologie.

Pendant longtemps, seules l’astronomie, la mécanique et les mathématiques connurent un véritable développement, même si évidemment d’autres modes de pensée comme la philosophie s’intéressaient aussi au développement naturel, comme chez Aristote ou Pline l’ancien par exemple. Avec la Renaissance qui marque véritablement le point de départ de l’étude scientifique de la nature, la physique se sépare de la chimie. Celle-ci aussi s’établit comme science, tandis que les sciences de la vie (physiologie, zoologie, botanique, paléontologie, etc.) prennent ensuite leur essor.

Au-delà de ce classement historique, une autre manière de considérer et de classer les sciences est de prendre en compte leur objet. De ce point de vue, le socialisme les classe en fonction des formes du mouvement :

1° La mécanique (y compris l’astronomie) agit au niveau des masses. L’objet de la mécanique est le mouvement des masses (aussi bien terrestres que célestes).

2° La physique s’en tient au mouvement moléculaire

3° La chimie est une physique des atomes. C’est la science des changements qualitatifs qui se produisent par suite d’un changement quantitatif.

4° Engels n’avait fait que pressentir le mouvement scientifique d’où naîtrait une nouvelle conception de la matière[1]. Ce mouvement sera assumé par les physiciens plutôt que par les chimistes[2], d’où son nom. Mais il relève de formes du mouvement et d’un niveau d’intervention bien différents de celui de la physique classique puisqu’il vise un niveau sub-atomique. C’est la physique atomique, la physique des particules. C’est dans cette révolution scientifique que l’on doit chercher le noyau de vérité que recouvre la « troisième révolution industrielle ».

5° Engels, également, faute de matériaux, sera conduit à relativement laisser de côté les formes du mouvement organique[3]. Le mouvement communiste, si prompt à répéter les idioties de la bourgeoisie, a pourtant là de quoi exercer sa sagacité en intégrant plus d’un siècle de développement scientifique.

Engels jugeait que, pour l’époque du philosophe, le classement réalisé par Hegel, était complet. Celui-ci distinguait le mécanisme, le chimisme et l’organisme. On peut mesurer le haut degré de parenté entre le classement de Hegel et celui d’Engels[4].

Ce classement ne doit pas laisser l’impression que les diverses sciences sont séparées. Il correspond à un classement des formes du mouvement, et leur disposition suit la succession qui est inhérente à ces formes. Cette succession ne doit pas être artificiellement dialectique comme le fait Hegel, mais doit découler du développement même de la forme du mouvement. Il n’est pas dans notre propos d’aller plus avant dans cet exposé des formes du mouvement. Cette ébauche n’a pas d’autre but que de montrer que, pour le socialisme, il existe une histoire de la science et des techniques. Celles-ci ne sont pas mises dans un grand tout indifférencié. La critique de la science[5], non seulement dans ses effets sociaux mais aussi dans ses présupposés méthodologiques qui les conduit à bien des hypothèses absurdes est un devoir du mouvement révolutionnaire. Cela ne passe pas par l’admiration béate pour les soi-disant « révolutions technologiques » dont la bourgeoisie aime habiller la féroce exploitation du prolétariat dont elle se nourrit, mais par un combat sans merci contre la bourgeoisie, son idéologie, sa science, et toujours, ses religions.
—————————-
[1] « Lorsque nous avons défini la physique comme la mécanique du mouvement moléculaire, nous n’avons pas perdu de vue que cette expression n’embrasse nullement dans sa totalité le domaine de la physique d’aujourd’hui. Au contraire. Les vibrations de l’éther [ce concept dans son acception mécaniste sera démenti par la théorie de la relativité NDR] qui interviennent dans les phénomènes de la lumière et du rayonnement calorique ne sont certainement pas des mouvements moléculaires au sens actuel du mot. (…) Néanmoins, dans les phénomènes électriques et calorifiques, ce sont derechef avant tout les mouvements moléculaires qui entrent en ligne de compte, et il ne peut en être autrement, tant que nous n’en savons pas plus sur l’éther. Mais lorsque nous en serons au point de pouvoir exposer la mécanique de l’éther, elle embrassera aussi mainte chose qui est aujourd’hui nécessairement rangée dans la physique » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p. 113-114) et aussi « Toute la nature qui nous est accessible constitue un système, un ensemble cohérent de corps, étant admis que nous entendons par corps toutes les réalités matérielles, de l’astre à l’atome, voire à la particule d’éther dans la mesure où on admet qu’elle existe » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p. 76)
[2] « La radioactivité relève, désormais de l’histoire de la physique. La chimie n’y intervient plus qu’à titre de technique, pour identifier les isotopes produits par transmutation. Il est toujours vain de tenter de refaire l’histoire, mais on doit, ici, marquer un point d’arrêt, spéculatif. Pour la première fois, chimie et physique ont été confrontées en même temps à une même énigme, et la chimie s’est trouvée finalement définie comme technique au service de questions posées par les physiciens. Il est difficile de ne pas voir dans l’acharnement avec lequel Marie Curie continua à purifier le radium pendant que Rutherford se lançait dans l’exploration du noyau atomique un point de bascule tout à la fois événementiel, symbolique et irréversible, c’est-à-dire historique. Car la distribution des rôles qui s’institue ainsi ne ratifie pas une différence préexistante, mais crée une nouvelle image de la physique » (Bernadette Bensaude-Vincent, Isabelle Stengers, Histoire de la chimie, Editions La Découverte).
[3] « Si donc nous voulons étudier ici la nature du mouvement, nous sommes obligés de laisser de côté les formes de mouvement organiques. Aussi nous limiterons nous par force, – étant donné l’état de la science, – aux formes de mouvement de la nature inanimée. » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p. 75)
[4] « Le mécanisme, c’est le mouvement des masses ; le chimisme, le mouvement des molécules (car la physique y est aussi comprise et les deux font bien partie du même ordre) et des atomes ; l’organisme, c’est le mouvement de corps tel que l’un est inséparable de l’autre » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p. 255)
[5] C’est ce que rappelait la gauche communiste d’Italie :
« Lançons donc le cri de guerre qui laisse perplexes tous ceux qui sont aveuglés par la force des lieux communs putrides : à bas la science. » (Programme du communisme intégral et théorie marxiste de la connaissance Réunion de Milan 1962).
« Alors la révolution, accompagnée de la vague des générations qui ne sont plus dénaturées par votre abrutissante société, révisera vos textes et vos formules, et elle enseignera la science nouvelle. Elle daignera vous expliquer votre histoire et votre « anti-histoire ». Elle n’emploiera pas pour cela une chaire, mais la force, et, s’il le faut, la Terreur ». (La vie dans le cosmos. 1962)
Citons aussi Lafargue « Les Haeckel du Darwinisme, qui pour mériter les bonnes grâces des capitalistes, ont voulu rabaisser la science au niveau d’une religion, n’ont que prouvé, ce que les socialistes savaient déjà, qu’en fait de servilisme les savants valent les prêtres; et qu’ils avaient bien agi, ces révolutionnaires du siècle dernier, qui avaient tranché la tête de Lavoisier ce père de la chimie moderne et ce complice des financiers qui ruinaient la révolution. Les Darwiniens de France, d’Allemagne et d’Angleterre ne réussiront pas à falsifier les enseignements de la science jusqu’à en faire des moyens d’oppression intellectuelle. La science a toujours été et continuera toujours à être révolutionnaire ; elle déracinera les préjugés semés à larges mains par la classe possédante pour soutenir son pouvoir chancelant. Cette théorie darwinienne, qui devait consacrer scientifiquement l’inégalité sociale, arme au contraire les matérialismes communistes avec de nouveaux arguments pour appeler à révolte les classes opprimées contre cette société barbare, où ceux qui sèment la richesse ne récoltent que la pauvreté, où toutes les récompenses sociales sont emportées par les plus incapables et les plus inutiles, où les lois de l’évolution organique sont ignorées, méconnues et contrecarrées.. » (Lafargue, Le matérialisme économique de Karl Marx, II le milieu naturel : théorie darwinienne, p. 5, Bibliothèque socialiste, Cours d’économie sociale.)
« Devant les désastres accumulés sur la France par cette guerre, devant son effondrement national et sa ruine financière, ces classes moyennes sentent que ce n’est pas la classe corrompue de ceux qui veulent être les négriers de la France, mais que ce sont seules les aspirations viriles et la puissance herculéenne de la classe ouvrière qui peuvent apporter le salut !
Elles sentent que seule la classe ouvrière peut les émanciper de la tyrannie des prêtres, faire de la science non plus un instrument de domination de classe, mais une force populaire, faire des savants eux-mêmes non plus des proxénètes des préjugés de classe, des parasites d’Etat à l’affût de bonnes places et des alliés du capital, mais de libres agents de la pensée ! La science ne peut jouer son rôle authentique que dans la République du Travail. » (Marx, Essais de rédaction de « La guerre civile en France »)

Publicité

Le marxisme et la science

Conclusion du livre « De la révolution industrielle » (2014)

http://www.robingoodfellow.info/pagesfr/rubriques/Revolution_Industrielle.pdf

PENSER ET CLASSER LES SCIENCES

Nous avons montré l’absence de fondement à l’affirmation que l’irruption de l’électronique implique l’existence d’une troisième révolution industrielle. Cela ne signifie pas que le socialisme ne prenne pas en compte – ce serait un comble pour la conception matérialiste de l’histoire – l’histoire et l’histoire des sciences, ainsi que le développement des techniques. Nous avons ainsi montré que, jusqu’à présent, on n’était pas en droit de parler de révolution industrielle ou technologique depuis l’avènement de la révolution industrielle du XVIIIe siècle. En revanche, on serait au contraire en droit de parler de révolution pour ce qui concerne la matière organique.

Le socialisme ne considère pas la science comme un ensemble indistinct. Il ne met pas, en science comme en politique, tout dans le même sac. Il analyse l’histoire des sciences, leur objet, leur évolution, leur méthode et notamment leur capacité à assimiler la dialectique. Plus celle-ci est nécessaire, parce que les lois du mouvement dans le domaine considéré y sont plus complexes, plus le domaine scientifique sera en retard. Le monde organique retarde donc sur le monde inorganique, la biologie retarde sur la mécanique.

Le socialisme envisage donc plusieurs approches de la science, sans pour autant séparer ces diverses formes d’appréhension.

Vu sous l’angle de leur histoire, le développement des sciences reste conditionné par celui de la production. L’astronomie vient en premier, car elle est particulièrement nécessaire aux peuples de pasteurs et d’agriculteurs qui, pour assurer la vie et la survie, doivent anticiper le cycle des saisons, à travers l’observation du cycle des astres, notamment le soleil et la lune. Le champ céleste est aussi celui qui s’impose le plus comme un vaste champ d’observation, y compris sans instrument (le télescope – encore ne s’agit-il que d’une forte lunette – ne sera inventé que par Galilée), mais il est aussi le plus impressionnant avec ses manifestations climatiques spectaculaires (foudre, tonnerre, éclipses) et suscite des explications mystiques. Les premières représentations religieuses sont basées sur des cosmogonies. Pour se perfectionner, l’astronomie a besoin des mathématiques. Celles-ci, conduites nécessairement vers l’abstraction de par leur méthode (abstraction d’ailleurs renforcée par leur histoire et les conceptions métaphysiciennes des mathématiciens) en viennent à oublier qu’elles tirent leurs concepts de la réalité. Les métaphysiciens s’étonnent ensuite, jusqu’à y voir la main de Dieu, devant le constat que les concepts produits par les mathématiques trouvent, parfois plus tard, une application dans la réalité. Les besoins de la ville, la construction des édifices, ainsi que la guerre et la navigation favorisent le développement de la mécanique laquelle a également besoin des mathématiques. De ce point de vue, on peut classer les sciences en fonction de leur utilisation des mathématiques. Nous retrouvons l’ordre de leur développement : astronomie, mécanique, physique, chimie, biologie.

Pendant longtemps, seules l’astronomie, la mécanique et les mathématiques connurent un véritable développement, même si évidemment d’autres modes de pensée comme la philosophie s’intéressaient aussi au développement naturel, comme chez Aristote ou Pline l’ancien par exemple. Avec la Renaissance qui marque véritablement le point de départ de l’étude scientifique de la nature, la physique se sépare de la chimie. Celle-ci aussi s’établit comme science, tandis que les sciences de la vie (physiologie, zoologie, botanique, paléontologie, etc.) prennent ensuite leur essor.

Au-delà de ce classement historique, une autre manière de considérer et de classer les sciences est de prendre en compte leur objet. De ce point de vue, le socialisme les classe en fonction des formes du mouvement :

1° La mécanique (y compris l’astronomie) agit au niveau des masses. L’objet de la mécanique est le mouvement des masses (aussi bien terrestres que célestes).

2° La physique s’en tient au mouvement moléculaire

3° La chimie est une physique des atomes. C’est la science des changements qualitatifs qui se produisent par suite d’un changement quantitatif.

4° Engels n’avait fait que pressentir le mouvement scientifique d’où naîtrait une nouvelle conception de la matière[80]. Ce mouvement sera assumé par les physiciens plutôt que par les chimistes[81], d’où son nom. Mais il relève de formes du mouvement et d’un niveau d’intervention bien différents de celui de la physique classique puisqu’il vise un niveau sub-atomique. C’est la physique atomique, la physique des particules. C’est dans cette révolution scientifique que l’on doit chercher le noyau de vérité que recouvre la « troisième révolution industrielle ».

5° Engels, également, faute de matériaux, sera conduit à relativement laisser de côté les formes du mouvement organique[82]. Le mouvement communiste, si prompt à répéter les idioties de la bourgeoisie, a pourtant là de quoi exercer sa sagacité en intégrant plus d’un siècle de développement scientifique.

Engels jugeait que, pour l’époque du philosophe, le classement réalisé par Hegel, était complet. Celui-ci distinguait le mécanisme, le chimisme et l’organisme. On peut mesurer le haut degré de parenté entre le classement de Hegel et celui d’Engels[83][1].

Ce classement ne doit pas laisser l’impression que les diverses sciences sont séparées. Il correspond à un classement des formes du mouvement, et leur disposition suit la succession qui est inhérente à ces formes. Cette succession ne doit pas être artificiellement dialectique comme le fait Hegel, mais doit découler du développement même de la forme du mouvement. Il n’est pas dans notre propos d’aller plus avant dans cet exposé des formes du mouvement. Cette ébauche n’a pas d’autre but que de montrer que, pour le socialisme, il existe une histoire de la science et des techniques. Celles-ci ne sont pas mises dans un grand tout indifférencié. La critique de la science[84], non seulement dans ses effets sociaux mais aussi dans ses présupposés méthodologiques qui les conduit à bien des hypothèses absurdes est un devoir du mouvement révolutionnaire. Cela ne passe pas par l’admiration béate pour les soi-disant « révolutions technologiques » dont la bourgeoisie aime habiller la féroce exploitation du prolétariat dont elle se nourrit, mais par un combat sans merci contre la bourgeoisie, son idéologie, sa science, et toujours, ses religions.


[80]
« Lorsque nous avons défini la physique comme la mécanique du mouvement moléculaire, nous n’avons pas perdu de vue que cette expression n’embrasse nullement dans sa totalité le domaine de la physique d’aujourd’hui. Au contraire. Les vibrations de l’éther [ce concept dans son acception mécaniste sera démenti par la théorie de la relativité NDR] qui interviennent dans les phénomènes de la lumière et du rayonnement calorique ne sont certainement pas des mouvements moléculaires au sens actuel du mot. (…)

Néanmoins, dans les phénomènes électriques et calorifiques, ce sont derechef avant tout les mouvements moléculaires qui entrent en ligne de compte, et il ne peut en être autrement, tant que nous n’en savons pas plus sur l’éther. Mais lorsque nous en serons au point de pouvoir exposer la mécanique de l’éther, elle embrassera aussi mainte chose qui est aujourd’hui nécessairement rangée dans la physique » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p. 113-114) et aussi « Toute la nature qui nous est accessible constitue un système, un ensemble cohérent de corps, étant admis que nous entendons par corps toutes les réalités matérielles, de l’astre à l’atome, voire à la particule d’éther dans la mesure où on admet qu’elle existe » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p. 76)

[81] « La radioactivité relève, désormais de l’histoire de la physique. La chimie n’y intervient plus qu’à titre de technique, pour identifier les isotopes produits par transmutation.

Il est toujours vain de tenter de refaire l’histoire, mais on doit, ici, marquer un point d’arrêt, spéculatif. Pour la première fois, chimie et physique ont été confrontées en même temps à une même énigme, et la chimie s’est trouvée finalement définie comme technique au service de questions posées par les physiciens.

Il est difficile de ne pas voir dans l’acharnement avec lequel Marie Curie continua à purifier le radium pendant que Rutherford se lançait dans l’exploration du noyau atomique un point de bascule tout à la fois événementiel, symbolique et irréversible, c’est-à-dire historique. Car la distribution des rôles qui s’institue ainsi ne ratifie pas une différence préexistante, mais crée une nouvelle image de la physique » (Bernadette Bensaude-Vincent, Isabelle Stengers, Histoire de la chimie, Editions La Découverte).


[82]
« Si donc nous voulons étudier ici la nature du mouvement, nous sommes obligés de laisser de côté les formes de mouvement organiques. Aussi nous limiterons nous par force, – étant donné l’état de la science, – aux formes de mouvement de la nature inanimée. » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p. 75)

[83] « Le mécanisme, c’est le mouvement des masses ; le chimisme, le mouvement des molécules (car la physique y est aussi comprise et les deux font bien partie du même ordre) et des atomes ; l’organisme, c’est le mouvement de corps tel que l’un est inséparable de l’autre » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p. 255)

[84] C’est ce que rappelait la gauche communiste d’Italie :

« Lançons donc le cri de guerre qui laisse perplexes tous ceux qui sont aveuglés par la force des lieux communs putrides : à bas la science. » (Programme du communisme intégral et théorie marxiste de la connaissance Réunion de Milan 1962).

« Alors la révolution, accompagnée de la vague des générations qui ne sont plus dénaturées par votre abrutissante société, révisera vos textes et vos formules, et elle enseignera la science nouvelle. Elle daignera vous expliquer votre histoire et votre « anti-histoire ». Elle n’emploiera pas pour cela une chaire, mais la force, et, s’il le faut, la Terreur ». (La vie dans le cosmos. 1962)

Citons aussi Lafargue « Les Haeckel du Darwinisme, qui pour mériter les bonnes grâces des capitalistes, ont voulu rabaisser la science au niveau d’une religion, n’ont que prouvé, ce que les socialistes savaient déjà, qu’en fait de servilisme les savants valent les prêtres; et qu’ils avaient bien agi, ces révolutionnaires du siècle dernier, qui avaient tranché la tête de Lavoisier ce père de la chimie moderne et ce complice des financiers qui ruinaient la révolution. Les Darwiniens de France, d’Allemagne et d’Angleterre ne réussiront pas à falsifier les enseignements de la science jusqu’à en faire des moyens d’oppression intellectuelle. La science a toujours été et continuera toujours à être révolutionnaire ; elle déracinera les préjugés semés à larges mains par la classe possédante pour soutenir son pouvoir chancelant. Cette théorie darwinienne, qui devait consacrer scientifiquement l’inégalité sociale, arme au contraire les matérialismes communistes avec de nouveaux arguments pour appeler à révolte les classes opprimées contre cette société barbare, où ceux qui sèment la richesse ne récoltent que la pauvreté, où toutes les récompenses sociales sont emportées par les plus incapables et les plus inutiles, où les lois de l’évolution organique sont ignorées, méconnues et contrecarrées.. » (Lafargue, Le matérialisme économique de Karl Marx, II le milieu naturel : théorie darwinienne, p. 5, Bibliothèque socialiste, Cours d’économie sociale.)

« Devant les désastres accumulés sur la France par cette guerre, devant son effondrement national et sa ruine financière, ces classes moyennes sentent que ce n’est pas la classe corrompue de ceux qui veulent être les négriers de la France, mais que ce sont seules les aspirations viriles et la puissance herculéenne de la classe ouvrière qui peuvent apporter le salut !

Elles sentent que seule la classe ouvrière peut les émanciper de la tyrannie des prêtres, faire de la science non plus un instrument de domination de classe, mais une force populaire, faire des savants eux-mêmes non plus des proxénètes des préjugés de classe, des parasites d’Etat à l’affût de bonnes places et des alliés du capital, mais de libres agents de la pensée ! La science ne peut jouer son rôle authentique que dans la République du Travail. » (Marx, Essais de rédaction de « La guerre civile en France »)

Sortie du livre « De la révolution industrielle »

Cet ouvrage montre comment le marxisme définit la révolution industrielle et discute des représentations que se font les théoriciens de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie à ce propos.

Un second texte démontre que le mode de production capitaliste freine l’introduction des machines dans la production.

Image_revind

Disponible à la vente sur le site http://www.lulu.com

Disponible en pdf sur notre site http://www.robingoodfellow.info

Sur l’invariance du marxisme

Texte complet à lire sur notre site :

www.robingoodfellow.info/pagesfr/rubriques/Nature_du_marxisme.htm

CRITIQUE DES FONDEMENTS DE L’INVARIANCE

Les bases matérielles des théories

Il y a une certaine ironie à constater que ce terme lui-même n’a jamais été évoqué par Marx et Engels. Si nous devions tracer l’égalité corps de doctrine invariant = nouveau mode de production, le phénomène serait, comme il est souligné, rarissime. L’histoire des idéologies ne se limite pas à une telle détermination. L’histoire des religions, par exemple, montre qu’elles sont le produit d’une construction historique et que suivant les circonstances, les rapports de force, les classes sociales et les rapports de production, elles sont le fruit d’intérêts matériels variés. Elles font aussi l’objet en leur sein de batailles féroces concernant l’exégèse des textes fondateurs qui sont eux-mêmes l’expression d’enjeux matériels. Les dogmes de l’Eglise ne sont pas nés en un jour et leur affirmation, pour n’en rester qu’à la religion chrétienne et catholique, s’est faite dans le cadre de modes de production différents qui se sont succédés en Europe. Les divers schismes sont loin d’avoir pour seule origine l’avènement d’un nouveau mode de production. Ces considérations n’excluent en rien la nécessité d’expliquer de façon matérialiste la présence continue de ces religions, leur développement et évolutions.

S’il est exact que la formulation de la théorie du prolétariat relève d’un saut qualitatif et qu’elle constitue une totalité organique, s’il est exact qu’elle est l’expression théorique du mouvement prolétarien dont la mission historique est de libérer l’humanité, elle ne peut être de ce point de vue strictement comparée aux autres idéologies compte tenu justement de son caractère scientifique qui la rend unique et en même temps la soumet aux règles du développement du matérialisme et de la science.

La théorie comme totalité organique

Il est tout à fait matérialiste d’affirmer que les grandes représentations théoriques ne se forgent pas de manière graduelle, mais se constituent en une totalité organique. Mais, il convient de distinguer l’émission des grands principes qui structurent un nouveau corps de doctrine de son développement ultérieur. Brièvement, le cadre philosophique et théorique que se forge la bourgeoisie pour monter à l’assaut des féodalités et monarchies à partir du 17° (Angleterre) et 18° (France, Amérique) siècles est formé au plan politique par la doctrine libérale et au plan philosophique par la philosophie des lumières ; en ce qui concerne le développement des sciences naturelles, comme Engels l’a montré dans « Dialectique de la nature », il s’agit du développement du rationalisme et du matérialisme.

Les grands moments de cette rupture ont été rappelés par Engels :

« L’acte révolutionnaire par lequel la science de la nature proclama son indépendance en répétant, pour ainsi dire, le geste de Luther lorsqu’il jeta au feu la bulle du pape, fut la publication de l’œuvre immortelle dans laquelle Copernic, – quoique avec timidité, et, pourrait-on dire, seulement sur son lit de mort, – défia l’autorité ecclésiastique en ce qui concerne les choses de la nature. De cet acte date l’émancipation de la science de la nature à l’égard de la théologie, bien que la discrimination dans le détail de leurs droits réciproques ait traîné jusqu’à nos jours et que, dans maints esprits, elle soit encore loin d’être acquise. Il n’empêche que le développement des sciences avança dès lors, lui aussi, à pas de géant, gagnant en force, pourrait-on dire, en proportion du carré de la distance décomptée (dans le temps) à partir de l’origine. Il fallait, semble-t-il, démontrer au monde que, désormais, le produit le plus élevé de la matière organique, l’esprit humain, obéissait à une loi du mouvement inverse de celle de la matière inorganique. » (Engels, Dialectique de la nature, Editions sociales, p.31)

Le fait de retenir une date ou un fait scientifique comme un jalon pour marquer les ruptures historiques, qui sont effectivement des ruptures qualitatives ne doit pas induire une coupure (qui serait elle-même métaphysique) entre un avant et un après, avec l’apparition d’une doctrine toute armée sortant d’un seul coup des entrailles de l’histoire. Nous verrons que le marxisme était capable d’effectuer la synthèse et le dépassement critique d’expressions antérieures qui étaient arrivées elles-mêmes (et en plus de manière séparée) au bout de ce qu’elles pouvaient apporter en matière de compréhension du monde. Le précipité que représente la fusion/dépassement/critique de ces éléments dans le marxisme constitue effectivement une rupture qualitative majeure. Mais il reste ensuite, dans le droit fil des principes théoriques ainsi fondés, à développer tous les éléments constitutifs de la théorie et à la soumettre à l’épreuve des faits et de la réalité. Pour emprunter une métaphore naturelle, si une éruption volcanique, après un temps de préparation et de bouillonnement interne se manifeste d’un seul coup, elle ne se situe pas moins dans la durée, avec d’autres explosions, des coulées durables de lave… avant que le paysage ne se recompose autour du cratère. Si le Manifeste du Parti communiste, constitue, tout comme la date de 1848, un de ces jalons dans l’émergence d’une nouvelle théorie de classe, cette théorie a toute latitude ensuite, pour se développer à l’intérieur du cadre ainsi fixé. De même que le nouveau-né, et même le fœtus, est entièrement conformé pour croître tout au long de sa vie et donc contient potentiellement toutes ses formes ultérieures, de même la théorie contient en germe tous ses futurs développements, encore faut-il non seulement les laisser s’exprimer, mais encore favoriser au maximum les conditions de cette croissance. De plus, ne s’agissant pas d’une science en dehors de l’histoire et de la lutte des classes, elle se développe dans le cadre du combat pour l’émancipation du prolétariat et de la compréhension des tendances inhérentes au mode de production capitaliste et se revitalise au contact des faits et des découvertes.

« …des faits historiques s’étaient imposés beaucoup plus tôt, qui amenèrent un tournant décisif dans la conception de l’histoire. En 1831 avait eu lieu à Lyon la première insurrection ouvrière ; de 1838 à 1842, le premier mouvement ouvrier national, celui des chartistes anglais, atteignait son point culminant. La lutte de classes entre le prolétariat et la bourgeoisie passait au premier plan de l’histoire des pays les plus avancés d’Europe, proportionnellement au développement de la grande industrie, d’une part, de la domination politique nouvellement conquise par la bourgeoisie d’autre part. Les enseignements de l’économie bourgeoisie sur l’identité des intérêts du capital et du travail, sur l’harmonie universelle et la propriété universelle résultant de la libre concurrence, étaient démentis de façon de plus en plus brutale par les faits. (…)

En conséquence, le socialisme n’apparaissait plus maintenant comme une découverte fortuite de tel ou tel esprit de génie, mais comme le produit nécessaire de la lutte de deux classes produites par l’histoire, le prolétariat et la bourgeoisie. Sa tâche ne consistait plus à fabriquer un système social aussi parfait que possible, mais à étudier le développement historique de l’économie qui avait engendré d’une façon nécessaire ces classes et leur antagonisme, et à découvrir dans la situation économique ainsi créée les moyens de résoudre le conflit. » (Engels, Anti-Dühring, Editions sociales, p. 55)

Le retour des théories sur elles-mêmes.

« Les moments – toute l’histoire du marxisme le prouve – où la lutte des classes redevient aiguë sont ceux où la théorie revient, avec de mémorables affirmations, à ses origines et à son expression première intégrale: il suffit de rappeler la Commune de Paris, la révolution bolchevique, le premier après-guerre en Occident. » (Bordiga)

Dans le cadre de ce que nous avons dit plus haut, ce retour aux fondements doit se comprendre comme la réaffirmation du cadre général qui perdure tout au long du cycle de validité de la théorie. On peut cependant noter que les exemples donnés par Bordiga sont autant de contre-exemples, car à chaque fois (1871, 1917…) il y a eu approfondissement, au sens où nous avons employé ce terme ci-dessus, et pas simplement répétition des invariants. Ceci est valable notamment sur la question de l’état (commune de paris) ou de la dictature du prolétariat (révolution bolchévique). Encore une fois, à chaque nouvelle explosion révolutionnaire il est nécessaire de revenir aux fondamentaux, mais en prenant aussi en compte les leçons des épisodes passés, tout comme l’histoire vivante.

Le rejet des enrichissements individuels

L’un des grands mérites du travail de Bordiga en général et du texte sur « L’invariance historique du marxisme » en particulier est de rappeler que la pensée et la connaissance humaine sont toujours le fruit d’un effort collectif et que l’individu qui parvient, à un moment donné, à synthétiser de manière claire et pure les idées d’une époque, ne le fait pas par génie personnel, mais par nécessité historique. Il est un produit de l’histoire et non un producteur indépendant de théorie ou d’idées.

Il en ressort que la critique marxiste prendra un soin tout particulier à ne pas se laisser influencer par les contributions individuelles, les recherches d’expressions « nouvelles » dues à des « penseurs » le plus souvent médiocres, produits de l’université ou de la recherche bourgeoise (ou pire, des médias). Ces lectures peuvent cependant nous apporter sur deux points : l’apport de faits ou de données (et encore, cet apport ne peut-il pas être abstrait (ce qui serait idéaliste) du cadre de références qui le porte), peut à la rigueur produire quelque intérêt pour la lecture de cette production, et c’est d’ailleurs bien dans ce sens que Marx dévorait quantité d’ouvrages, de toutes sortes, depuis les rapports des inspecteurs de fabrique jusqu’aux dernières livraisons sur les sciences naturelles de son temps ; par ailleurs, il ne faut pas non plus oublier que, dialectiquement, la vérité se situe aussi dans l’erreur, et qu’un écrit bourgeois peut constituer un élément pour la réflexion à condition évidemment de l’interpréter à la lumière de notre théorie et non de se laisser enfermer dans le raisonnement bourgeois.

Conclusion

Tout en conservant la fonction d’isoler le « parti » (théorie du « cordon sanitaire ») des influences délétères de l’idéologie bourgeoise le concept d’invariance a contribué à fossiliser le travail théorique, au sein du PCI – Parti communiste international – et des différentes fractions ou groupes qui ont suivi son éclatement en 1982. Au delà encore, la gauche communiste d’Italie ne s’est pas remise de l’échec de sa prévision du cours du mode de production capitaliste (qui prévoyait une « crise d’entre deux guerres » vers 1965, suivie d’une nouvelle crise décennale ouvrant l’alternative « guerre ou révolution » vers 1975). Là où il aurait fallu rechercher la source des erreurs dans un degré insuffisant de réappropriation du marxisme, une mauvaise intégration des faits (maintien d’un cycle décennal par exemple) et donc renforcer l’orthodoxie (y compris d’ailleurs sur les questions politiques – comme nous l’avons vu la gauche n’était pas aussi invariante que cela – sur le plan de l’appréciation de la démocratie par exemple), on s’est laissé aller à psalmodier un dogme vidé de son sens, tout en précipitant l’organisation dans l’activisme sous prétexte de la réalisation proche d’une prévision que rien ne venait confirmer. Si l’invariance est la fidélité à Marx, la Gauche s’en est largement éloignée, tandis que, pour notre part, nous avons revendiqué, dès 1976, le « retour à Marx ».

Réunion publique Marseille le 1/11

Conférence
les révolutions industrielles… pour une critique à la technologie

Nous en parlerons avec le groupe Robin Goodfellow, qui présente leur livre :
marxisme et revolution industrielles

Le marxisme en abrégé. Chapitre 2. Le développement historique du mode de production capitaliste.

Le développement sans précédent de l’économie capitaliste et l’atténuation des crises, pendant les trente ans, qui ont suivi, en Occident, la fin de la deuxième guerre mondiale, l’effondrement des faux « communismes » de l’Est, l’essor et le développement de nouveaux pays capitalistes sur tous les continents, et last but not least, l’interminable contre-révolution qui, depuis les années 1920 a réduit l’influence du communisme révolutionnaire à une peau de chagrin ont pu faire croire que le système capitaliste avait gagné son éternité sur terre.

Pour les gouvernants, les économistes, les journalistes, et autres représentants de la bourgeoisie, il n’y a aucun doute : rien ne peut se faire en dehors du capitalisme. L’économie (capitaliste sous-
entendu) semble devenue aussi naturelle que l’air que nous respirons ; il paraît impossible même d’imaginer qu’une société puisse travailler, vivre, se reproduire, se développer, sans ces catégories que sont l’argent, le marché, l’échange, le salariat ; que l’on puisse vivre en utilisant des produits du travail qui ne soient pas des marchandises.

Pourtant, toutes ces catégories, dont nous rappellerons les définitions scientifiques données par le marxisme dans le prochain chapitre, ne sont pas éternelles ; elles n’ont pas toujours existé et le marxisme démontre qu’elles sont devenues des obstacles au développement de la société. Pour se développer, le capital a dû fondamentalement transformer les relations de production (les rapports de production) entre les hommes, les modalités de la production (le mode de production) et créer les conditions de son propre développement. Ce processus fut bien loin d’être pacifique et idyllique.
Lire la suite